lundi 20 septembre 2010

Jean Cassien, Le cri vers Dieu

Jean CASSIEN, (360-435)

D'origine scythe, c'est-à-dire roumaine, Cassien reçut une solide formation classique. Jeune, il partit à Bethléem, où il se fit moine, puis vécut 10 ans chez les Pères des déserts égyptiens. Il se rendit auprès de Saint Jean Chrysostome à Constantinople, où il fut ordonné diacre. Puis, il séjourna à Rome. Vers 416, il vint se fixer à Marseille, pour y fonder un monastère d'homme (l'abbaye Saint Victor) et un monastère de femmes.


Celui qui tient compte des anciens, accepte de se reconnaître dans une situation de besoin. Placé face à lui-même, il renonce à regarder avec nostalgie l’idéal de soi perdu. Il crie vers Dieu qui seul peut le sauver. Son cœur, comme piqué par l’épine de la souffrance, se remplit de componction : les larmes jaillissent. Mais cette souffrance apaise. Car dans le creux de l’être, dans ce qui apparaissait comme un gouffre, un vide, se noue une relation de confiance dont nous sommes dépendants.

A chaque expérience de notre impuissance, il suffit de crier, du fond de notre misère : « Dieu viens à mon aide ! ». Peu à peu, la confiance en Dieu devient le levier de notre existence, le tremplin où nous prenons appui :

« Pour garder toujours en vous le souvenir de Dieu, voici la formule de prière que vous vous proposerez constamment ; « Dieu, viens à mon aide ; Seigneur, viens vite à mon secours ! » Ce n’est pas sans raison que ce court verset a été choisi particulièrement dans toutes l’Ecriture Sainte. Car il est propre à exprimer toutes les affections dont notre âme est susceptible, et il convient admirablement à tous les états et à toutes les tentations. On y voit l’invocation de Dieu contre toutes sortes de dangers, l’humilité d’une sincère confession, la vigilance que produisent une frayeur et une crainte continuelles, la considération de notre fragilité, l’espérance d’être exaucé et la confiance en la bonté de Dieu qui est toujours présent et proche de nous. Car celui qui invoque sans cesse son protecteur est assuré qu’il lui est toujours présent. Enfin on y voit le feu de l’amour fervent, l’appréhension des pièges qui nous environnent, la crainte des ennemis qui nous assiègent nuit et jour, dont l’âme reconnaît qu’elle ne peut se délivrer que par le secours de son défenseur (…).

Je me trouve quelquefois attaqué par la gourmandise, je désire des mets que le désert ne produit point et dans une âpre solitude je sens l’odeur des viandes qui paraissent sur la table des rois ; je me sens entraîné à les désirer, que puis-je faire alors que de dire : « Dieu, viens à mon aide ; Seigneur, viens vite à mon secours ! (…).


Je veux m’appliquer à la lecture afin de fixer ma pensée, je sens un mal de tête qui m’en empêche, ou dès la troisième heure, la somnolence fait tomber ma tête sur la page sacrée, et je suis forcé à dépasser le temps du repos, ou à le prévenir ; la violence du sommeil que je ne puis vaincre me fera entrecouper les psaumes et les prière canoniques de nos assemblées. Il me faut encore crier de même : « Dieu, viens à mon aide ; Seigneur, viens vite à mon secours ! (…) ».


Je suis tenté de vaine gloire et d’orgueil, et je me sens dans mon esprit quelque secrète complaisance, en pensant à la tiédeur et à la négligence de mes frères ; comment puis-je repousser une tentation si dangereuse, sinon en disant avec une grande contrition de cœur : « Dieu, viens à mon aide ; Seigneur viens vite à mon secours ! » Si j’ai obtenu la grâce de l’humilité et de la simplicité, en abandonnant toute enflure d’orgueil, par une incessante componction de l’esprit, je dois m’écrier de toutes mes forces : « Dieu viens à mon aide ; Seigneur, viens vite à mon secours ! » pour que « le pied de l’orgueilleux ne s’approche plus de moi, et que ne m’atteigne la main du pécheur ». Car je serais plus profondément blessé par la fierté de ma victoire.


Que le sommeil vous ferme les yeux sur la méditation de ce court verset, jusqu’à ce que votre âme en soit tellement possédée, qu’elle le redise, même pendant la nuit. Que ce soit la première chose qui, avant toute autre pensée, vous vienne dans l’esprit le matin à votre réveil. Qu’elle vous fasse en sortant du lit mettre les genoux par terre, et vous conduise ensuite d’actions en action dans tout le cours de la journée. Enfin, qu’en tout temps ce verset vous accompagne partout », Cassien, Coll., X, 10.


La pauvreté de ce verset est bienfaisante. Elle place celui qui prie dans une situation de mendiant à l’égard de Dieu, Ps 39, 18. Et Dieu lui-même répondra. Ce n’est pas sans raison que la liturgie des Heures met ce verset d’Ecriture sur nos lèvres au début de chaque office.

Sr Marie-Ancilla, o.p., Chercher Dieu, avec les Pères du Désert et leurs héritiers, 1996, Source de Vie.

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