mardi 6 avril 2010

Évangile selon Saint Luc (Lc 24, 1-12 )


Le premier jour de la semaine,
à la pointe de l'aurore,
des femmes allèrent à la tombe, portant les aromates qu'elles avaient préparées.
Elles trouvèrent la pierre roulée de devant le tombeau,
mais, étant entrées,
elles ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus.
Et il advint, comme elles en demeuraient perplexes,
que deux hommes se tinrent devant elles, en habit éblouissant.
Et tandis que, saisies d'effroi, elles tenaient leur visage incliné vers le sol,
ils leur dirent : "Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts? Il n'est pas ici; mais il est ressuscité. Rappelez-vous comment il vous a parlé, quand il était encore en Galilée : Il faut, disait-il, que le Fils de l'homme soit livré aux mains des pécheurs, qu'il soit crucifié, et qu'il ressuscite le troisième jour."
Et elles se rappelèrent ses paroles.
A leur retour du tombeau, elles rapportèrent tout cela aux Onze et à tous les autres. C'étaient Marie la Magdaléenne, Jeanne et Marie, mère de Jacques.
Les autres femmes qui étaient avec elles le dirent aussi aux apôtres; mais ces propos leur semblèrent du radotage, et ils ne les crurent pas.
Pierre cependant partit et courut au tombeau. Mais, se penchant, il ne voit que les linges. Et il s'en alla chez lui, tout surpris de ce qui était arrivé.

Clés de lecture au commentaire de Guerric de Igny, moine cistercien du XXIIème siècle.

La résurrection de Jésus n'est pas un mystère qui s'imposerait à nous seulement de l'extérieur, comme un fait historique objectif.

Guerric se demande comment nous pouvons avoir part à la résurrection et en éprouver la force dans notre vie. Il s'appuie sur l'Écriture.


Les diverses rencontres des disciples avec le Ressuscité durant les quarante jours avant son départ définitif, nous suggèrent comment nous-mêmes nous pouvons rencontrer le Ressuscité durant le temps de notre vie terrestre.


Ce qui s'est passé historiquement et de manière sensible pendant ces quarante jours nous dit ce qui se passe aujourd'hui pour nous spirituellement, mais tout aussi réellement.


Il peut nous être donné de vivre comme Madeleine la rencontre du Ressuscité, si comme elle, nous veillons assidûment dans la prière.


Nous pouvons aussi vivre la rencontre du Ressuscité dans nos activités : c’est l'expérience que font en chemin les femmes et puis les disciples en route vers le village d'Emmaüs.


Le chemin évoque pour Guerric le chemin de notre vie active, les allées et venues au travail, et tout ce qui tisse notre vie quotidienne.


Pour Guerric et ses frères cisterciens, rien n'est profane : le travail peut, aussi bien que la prière, être un lieu d'écoute et de rencontre du Seigneur.

Sermon de Guerric

Heureux et saint, celui qui a part à la première résurrection, Ap 20, 6

Veiller dès le matin...

1 [...] Mes frères, n'est-il pas semblable à un mort, celui qui dort encore, alors que le Soleil est déjà levé ? Celui qui est encore accablé par la négligence et l'indolence, est pour ainsi dire enseveli dans une torpeur sans espérance, alors que déjà brille partout la grâce de la Résurrection.

Le Soleil nouveau, frappe les yeux de ceux qui dès le matin veillent pour lui, Is 26, 9, il inaugure pour eux le Jour de l'éternité. [...]

2.2 Toi aussi, si tu veilles chaque jour aux portes de la Sagesse, et si tu fais le guet au seuil de sa demeure, Pr 8, 34, si avec Marie-Madeleine, tu montes la garde sans dormir à la porte de son tombeau, Jn 20, 11, alors, tu éprouveras toi aussi, combien est vrai ce qu'on lit au sujet de la Sagesse en personne, qui est le Christ : Elle se laisse voir facilement par ceux qui l'aiment, et elle se laisse trouver par ceux qui la cherchent. Elle va au-devant de ceux qui la désirent pour se montrer à eux la première. Qui veillera pour elle dès l'aurore, n'aura pas à peiner, car il la trouvera assise devant sa porte, Sg 6, 13-15. Et encore : J'aime ceux qui m'aiment, et ceux qui veillent pour moi dès le matin me trouveront, Pr 8, 17.

2.3 Certes, c'est corporellement que Marie-Madeleine trouva Jésus, lui pour qui elle veillait, et vers le tombeau de qui elle était venue alors qu'il faisait encore nuit, Jn 20, 1. Mais toi, tu ne dois plus désormais connaître Jésus selon la chair (2 Co 5, 16), mais selon l'Esprit. Tu pourras assurément le trouver spirituellement, si tu le cherches avec un désir semblable à celui de Marie-Madeleine, et s'il te voit, comme elle, veiller assidûment dans la prière.

2.4 Aussi, dis au Seigneur Jésus, avec le désir et l'amour de Marie-Madeleine : Mon âme t'a désiré durant la nuit, et mon esprit au-dedans de moi t'a cherché. Dès le matin, je veillerai pour toi, Is 26, 9.

Dis avec l'accent et le coeur du psalmiste : Dieu, mon Dieu, je veille pour toi dès l'aurore, mon âme a soif de toi, Ps 62, 2. Et vois s'il ne te sera pas donné de chanter avec eux : Au matin nous avons été comblés par ta miséricorde ; nous avons exulté et nous avons goûté la joie, Ps 89, 14.

Pourquoi veiller ?

3.1 Veillez donc, mes frères, avec attention dans vos prières, veillez avec grand soin dans vos actions. Veillez surtout parce que déjà brille le matin du Jour sans déclin : la Lumière éternelle nous est revenue des ténèbres, et l'aurore nous a apporté un Soleil nouveau. Oui, voici désormais pour nous l'heure de sortir de notre sommeil, car la nuit est avancée, le Jour est tout proche, Rm 13, 11-12.

3.2 Veillez, pour que pour vous se lève la Lumière matinale, c'est-à-dire le Christ. Son lever est sûr comme l'aurore, Os 6, 3 ; le Christ est prêt à renouveler souvent le mystère de sa Résurrection matinale pour ceux qui veillent pour lui. Alors vraiment, tu pourras chanter le coeur en fête : Dieu, le Seigneur, nous illumine. Voici le Jour que le Seigneur a fait : tressaillons d'allégresse et réjouissons-nous en ce Jour, Ps 117, 27.24. Lorsque le Seigneur aura laissé filtrer pour toi la Lumière qu'il tient cachée en ses mains, annonçant à son ami qu'elle est son bien et qu'il peut monter vers elle, Job 36, 32 [...]

Veiller sur les chemins de l'action

3.4 Pour vous qui craignez mon nom, le Soleil de justice se lèvera, Ml 4, 2. Et celui qui marche dans la justice, ses yeux verront le Roi dans sa beauté, Is 33, 15.17. Assurément, il s'agit ici de la béatitude de la vie future. Mais, dans une certaine mesure, cela nous est accordé aussi pour notre consolation dans la vie présente. En effet, pendant quarante jours, maintes preuves nous furent données, Ac 1, 3 par la Sagesse de ce qu'elle cherche de tous côtés des gens qui sont dignes d'elle, et se montre à eux sur ses chemins avec un visage souriant, se portant avec sollicitude à leur rencontre, Sg 6, 17.

3.5 Jésus, voulant montrer qu'il est la Sagesse dont parle l'Écriture, et voulant aujourd'hui manifester également de manière corporelle ce qu'il ne cesse de faire chaque jour spirituellement - à savoir - se montrer à nous le visage souriant sur les chemins de la justice, Jésus donc, aujourd'hui, va sur le chemin au-devant des femmes qui reviennent du tombeau, Mt 28, 9, et sur le chemin il se montre à nouveau aux deux disciples qui vont à Emmaüs.

4.1 Qu'ils l'apprennent et s'en réjouissent, ceux qui marchent sur les chemins de la justice. Qu'ils l'apprennent, dis-je, car ce n'est pas seulement ceux qui s'appliquent, immobiles, à la contemplation, que Jésus favorise de sa venue et de sa manifestation, mais aussi ceux qui marchent avec justice et tendresse sur les chemins de la vie active.

Comme les femmes qui reviennent du tombeau

4.2 Certains d'entre vous, si je ne me trompe, le savent par expérience. Souvent, ayant cherché Jésus auprès des autels des chapelles comme Marie-Madeleine cherchait son Jésus auprès du tombeau, ils ne l'ont pas trouvé ; et voici, que de façon inespérée, il est venu à eux sur le chemin de leurs travaux. Alors, ils se sont approchés de lui et lui ont saisi les pieds, Mt 28, 9 [Jésus vint à leur rencontre: "Je vous salue", dit-il. Et elles de s'approcher et d'étreindre ses pieds en se prosternant devant lui], eux qui dans leur désir de lui, n'avaient pas eu les pieds entravés par la paresse. Il ne faut donc pas, mon frère, trop épargner à tes pieds les chemins de l'obéissance et les allées et venues du travail, puisque Jésus pour toi n'a pas épargné à ses pieds la souffrance des clous…


Comme les disciples qui retournent à Emmaüs

4.3 D'autre part, quelle consolation encore pour toi, s'il vient se joindre à toi comme compagnon de route, et si la joie merveilleuse de sa conversation va jusqu'à t'enlever la sensation de ta fatigue, tandis qu'il t'ouvre l'esprit pour que tu comprennes ces textes de l'Écriture que peut-être tu lisais mais ne comprenais pas quand tu étais assis à la maison ! Je vous le demande, frères, vous à qui Dieu a daigné parfois en accorder l'expérience : votre coeur n'était-il pas brûlant en vous pour Jésus, tandis qu'en chemin il s'entretenait avec vous et vous ouvrait les Écritures, Lc 24, 32?

4.4 Ceux qui en ont fait l'expérience, qu'ils se la rappellent, et qu'ils chantent sur les chemins du Seigneur : Qu'elle est grande, la gloire du Seigneur, Ps 137, 5 ! Ceux qui n’ont pas fait cette expérience, qu'ils croient et s'efforcent d'expérimenter à leur tour, pour qu'eux aussi puissent un jour chanter les interventions du Seigneur sur la terre d'exil et d'affliction, Ps 118, 54.

5.1 Que ressuscite donc et se mette à revivre l'esprit de chacun de nous, soit pour nous adonner en toute vigilance à la prière, soit pour nous appliquer assidûment au travail. Ainsi, en faisant preuve d'une énergie vive et renouvelée, nous prouverons que nous avons à nouveau reçu d'avoir part à la Résurrection du Christ, Ap 20, 6.

5.7 [...] Efforçons-nous donc de ressusciter de plus en plus, afin de parvenir, s'il est possible - comme dit l'Apôtre - jusqu'à la Résurrection du Christ d'entre les morts, Ph 3, 11, lui qui vit et règne pour les siècles des siècles. Amen.

Ce sermon a été modifié par soeur Monique-Anne, Orante de l'assomption  pour le rendre audible à l'oral.

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