mardi 10 mars 2009

Dieu au terme de notre lectio

Amos parlait de chercher la parole du Seigneur, mais ajoutait-il : "on ne la trouvera pas", Am 8,11-12. La suite de la prophétie éclaire la cause d'un tel échec : le péché, les infidélités du peuple, Am 8,14. En effet comment chercher la parole de celui dont on s'écarte par toute sa conduite, comment entendre quelqu'un dont on s'éloigne ? Saint Augustin le dit d'une façon admirable au livre II des Confessions : "O ma joie lente à venir ! Tu te taisais alors, et moi je m'en allais loin, loin de toi", Conf. II,II,2.

Si Dieu nous parle, c'est pour nous rencontrer et cela n'est possible que si nous nous tournons vers lui et lui ouvrons la porte de notre coeur, car il ne la forcera jamais."Voici je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui, et je prendrai la cène avec lui et lui avec moi", Ap 3,20. Cette parole du Christ ressuscité dans l'Apocalypse est précédée d'une invitation pressante : "Moi tous ceux que j'aime, je les reprends et les corrige. Sois donc fervent et repens-toi", Ap 3,19, c'est-à-dire : "Détourne-toi de tes péchés", Ez 18,27 et "reviens à moi, car je t'ai racheté", Is 44,22.

Ainsi Dieu nous aime et s'il nous attire vers sa parole (1er point), s'il nous y découvre le Christ dans l'Esprit (2è point), c'est au bout du compte pour nous unir à lui en un seul esprit, 1 Co 6,17. La lectio est ordonnée à cette union. Dans sa parole il nous offre ce qu'il faut non seulement pour le chercher mais encore pour le trouver. "Dès que je trouvais tes paroles, je les dévorais. Ta parole m'a réjoui, m'a rendu profondément heureux", Jr 15,16. Et Jérémie nous donne ensuite la clé d'un tel bonheur : "Ton nom a été proclamé sur moi", c'est-à-dire, comme l'explique une note de la TOB, (cf renvoi à 7, 10), ta présence en moi s'est révélée.


La parole est un instrument puissant pour nous ouvrir à la grâce. Le prophète Osée le savait déjà : "Prenez avec vous des paroles et revenez au Seigneur", Os 14,3. Plus près de nous dans le temps, sainte Thérèse d'Avila raconte dans le livre de sa vie qu'elle avait l'habitude de se servir d'un livre comme d'une amorce pour soulever son âme (Vida 4) "Souvent même, je n'avais qu'à ouvrir mon livre et c'était assez. Quelque fois je lisais un peu, d'autres fois beaucoup, selon la grâce que le Seigneur daignait m'accorder".
En effet ce n'est pas la quantité qui compte mais la qualité, c'est-à-dire les dispositions du coeur, l'intensité du désir, la profondeur de l'écoute, la vérité de la vie... "Dis seulement une parole et je serai guéri", Mt 8,8. Il suffit souvent d'un seul mot pour atteindre l'intime de notre être, mot par lequel le Seigneur nous touche et nous renouvelle. Sans cesse rappelé il nourrira notre journée et transformera notre vie : "Parle et dis-moi : je suis ton salut", Ps 34,3.

C'est alors que la lectio, après s'être faite supplication, quête, s'épanouit en louange, en action de grâces. Quand la parole s'est faite chair en Marie, bientôt a jailli le Magnificat. A cet égard la prière des psaumes est un lieu privilégié où nous apprenons à passer sans cesse de la lectio à la prière. Dans les psaumes la parole nous est donnée pour chercher Dieu en l'implorant et le trouver dans l'exultation. La parole reçue de Dieu devient notre parole pour nous adresser à lui. "Ton meilleur serviteur, remarque St Augustin au Livre X des Confessions, c'est celui qui est plus attentif non pas à entendre de toi ce qu'il veut lui-même, mais plutôt à vouloir ce qu'il entend de toi", Conf. X,XVI,37. La lectio nous éduque à cela, à unir notre volonté à celle de Dieu, ce qui, selon Saint Bernard, est la définition de l'amour, SC 71, 6.


En résumé
Dieu est à l'origine de notre lectio : en nous attirant vers sa parole, il fait naître en nos coeurs l'espérance. Dieu est au coeur de notre lectio : en nous révélant le Christ dans l'Esprit, il fait grandir nos vies dans la foi.Dieu est au terme de notre lectio : en nous unissant à lui par l'accord de notre volonté à la sienne, il achève notre être dans l'amour.

Le dernier mot revient encore à Saint Augustin qui entendit un jour chanter d'une maison voisine : "Prends, lis ! Prends, lis!", Conf. VIII,XII,29. Et il commente : " Tu as appelé, tu as crié et tu as brisé ma surdité ; tu as brillé, tu as resplendi et tu as dissipé ma cécité ; tu as embaumé, j'ai respiré et haletant j'aspire à toi ; j'ai goûté, et j'ai faim et j'ai soif ; tu m'as touché et je me suis enflammé pour ta paix. Quand j'aurai adhéré à toi de tout moi-même, nulle part il n'y aura pour moi douleur et labeur, et vivante sera ma vie toute pleine de toi", Conf.X,XXVI,38 - XXVII,39.

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