vendredi 6 mars 2015

Mère Isabelle Fondatrice des Orantes A, Relecture


6 mars 2015 - anniversaire de sa naissance

 
Relecture de Mère Isabelle
11 mars 1907


Elle a 60 ans.


Le sacrifice des consolations


La sécheresse, l'abandon, les souffrances spirituelles et intérieures, je les ai demandées. Je me suis toujours appuyée sur l'obéissance qui s'appuyait elle-même sur les demandes intimes de la grâce. Les ardeurs et les consolations des premières années ont été grandes, mais il fallait faire le sacrifice de ces consolations pour les âmes. J'étais éperdue.

Cela ressemblait si peu aux grâces du passé et du présent, cela me semblait si sombre, si affreux, et cependant je ne pouvais pas ne pas acquiescer. La volonté du Maître était trop absolue et, d'ailleurs, tout en sondant la profondeur du gouffre où il fallait me jeter, je n'en comprenais pas toutes les amertumes, puisque j'y étais poussée par cette force victorieuse du Christ qui triomphe de tout et qui porte tout. Le Père Picard avait compris ce que je ne comprenais pas et il contint mes ardeurs pendant longtemps, suivant en moi les exigences de la grâce, mais ne les devançant pas.

Notre Seigneur demandait, insistait toujours, jusqu'au jour où le Père me permit cette demande. Elle fut très vite suivie des plus grandes désolations, tellement que le Père me dit depuis qu'il en avait été lui-même effrayé. Désolations, purifications, désespoirs, désespérances, tentations contre la pureté et contre la Foi, dégoûts, révoltes, rejet de Notre Seigneur il me semble - ou plutôt je suis bien sûre d'avoir passé par tous ces états qui ne s'oublient pas et qui, s'ils sont douloureux, affreusement douloureux, sont tout autre chose que mon état actuel.

Je ne désire pas les consolations. Il me semblerait, si je les recherchais le moins du monde, que je ne suis pas fidèle à ma mission, que je ne travaille pas pour les âmes sous la forme que Dieu a choisie pour moi… Il y a aussi la fidélité et je crains toujours de n'être pas fidèle dans cet état où la prière m'est si fort à dégoût et où j'y suis si paresseuse.
 
Il ne me sert de rien de prendre un livre. Tel livre que je lirais volontiers tranquillement à ma table ne me dit plus rien quand il s'agit de l'oraison. La seule chose qui puisse me dire quelque chose à l'oraison, c'est cette parole intérieure du Verbe par laquelle je sens que je suis le temple du Saint-Esprit. Cette parole, je ne la saisis pas, je sens que, si je la saisissais, elle m'enflammerait. Je sens qu'Elle est esprit et vie. Je sens qu'Elle seule est esprit et vie et que l'Évangile lui-même, qui est cependant la parole de Dieu n'a pas cette saveur, cette vie, cette illumination que l'âme doit trouver dans son commerce avec Dieu. C'est un intermédiaire et mon âme ne peut pas supporter d'intermédiaire avec Dieu dans l'intime du coeur. Là il n'y a pas de paroles. Il y a la vie, l'union, la liquéfaction de ma pauvre âme pécheresse dans sa communication avec Dieu.

C’est de temps en temps, au fin fond de mon coeur que je sens cela, que je cherche cela. Tout le reste du temps se passe à regarder voler les mouches que je ne vois pas d'ailleurs parce que je n'y vois pas clair, mais si j'y voyais clair, comme les mouches m'amuseraient plus que mon oraison où je pense à n'importe quoi, à une foule de choses qui ne m'intéressent pas du tout.

Aucun commentaire: