lundi 16 février 2009

Dieu au coeur de notre lectio


Dès les premiers mots de la Bible nous voyons à l'oeuvre le souffle et la parole de Dieu, Gn 1,2-3 ; "par sa parole, le Seigneur a fait les cieux, et toute leur armée par le souffle de sa bouche", chantons-nous en écho au Psaume 33. Plusieurs fois dans son célèbre ouvrage "Contre les hérésies", Saint Irénée évoque ces deux mains de Dieu qui ont modelé l'homme, c'est-à-dire le Fils et l'Esprit, ou encore le Verbe et la Sagesse (Ad.Her. IV, Pr.4 ; IV 7,4 ; V 1,3 ; V 6,1 ; V 28,4). Tout cela nous montre combien la parole de Dieu est inspirée, son Verbe est rempli d'Esprit Saint sans mesure, Jn 3,34. Quand, à l'exemple d'Ezéchiel ou de Jean, nous prenons cette parole et la mangeons, Ez 3,1-30 ; Ap 10,8-10, Dieu, comme aux premiers jours de la Genèse, nous façonne, il nous transforme à l'image de son Fils et nous insuffle son Esprit de vie, Gn 1,26 et 2,7.

D'une part, en effet, la Parole de Dieu nous renvoie sans cesse au Christ. Toutes les Ecritures le concernent comme il le fera comprendre aux deux disciples d'Emmaüs, Lc 24,27.44. Il donne leur achèvement, leur plénitude de sens aux promesses faites aux patriarches, aux annonces des prophètes, à l'espérance des psalmistes : partout se découvre peu à peu son visage de Sauveur. Présence active et vivifiante qui, de page en page, vient à notre rencontre et nous appelle. Car s'il ouvre notre intelligence et fait brûler notre coeur, Lc 24,32, c'est pour que désormais et de plus en plus nous nous attachions à Lui sans retour.

Saint Athanase, évêque d'Alexandrie au IVè siècle, raconte comment saint Antoine le Grand, qu'on appellera un jour le père des moines, "entra dans une église. Il advint qu'on lut l'évangile et il entendit le Seigneur disant au riche : si tu veux être parfait, va, vends tut ce que tu as et donne-le aux pauvres, et viens, suis-moi, tu auras un trésor dans le ciel. Antoine ayant reçu de Dieu le souvenir des saints, comme si la lecture avait été faite pour lui, sortit aussitôt de l'église. Les biens qu'il avait de ses parents... il en fit cadeau aux gens du village pour n'en être pas embarrassé... Il vendit tous ses meubles et distribua aux pauvres tout l'argent qu'il en reçu ..." (Vita § 2). Ce fut pour lui l'aurore d'une vie nouvelle, toute ordonnée à l'amour du Seigneur qui, peu à peu, le conformait à lui.

Force de la parole qui nous conduit à ne plus rien préférer au Christ, Règle de st B 72,11). Entendue en Eglise ou méditée dans le secret de notre chambre, elle nous invite à renoncer à nous-mêmes et à le suivre, Mt 16,24. Cela, chaque jour, ainsi que Saint Benoît nous le rappelle : "Ecoutons d'une oreille attentive la voix puissante de Dieu qui chaque jour nous presse en disant : aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas votre coeur", Prol. 9 et 10. Car le temps de la rencontre est toujours au présent. Consentir à cette parole c'est recevoir le pouvoir de devenir dès maintenant enfant de Dieu, Jn 1,12. Par elle nous apprenons que "vivre, c'est Christ et mourir à nous-mêmes est un gain", Phil 1, 21.

Ainsi donc, Dieu est au coeur de notre lectio en tant que celle-ci nous ouvre à la présence agissante du Christ en nous et autour de nous. D'autre part, la parole de Dieu est aussi et en même temps, expérience de l'Esprit. L'apôtre Jean souligne à plusieurs reprises le lien entre demeurer en Dieu, garder sa parole et recevoir le don de l'Esprit. Par exemple dans sa première épître, 1 Jn 3,24 : "Celui qui garde ses commandements demeure en Dieu et Dieu en lui. Par là nous reconnaissons qu'il demeure en nous, grâce à l'Esprit dont il nous a fait don", Jn 14, 23-26 et 1Jn 4, 13.

Quand la parole bouleverse notre coeur et nous donne la force de la conversion , Ac 2,37-38, c'est-à-dire de sortir de nous mêmes vers l'Autre et les autres ; quand nous laissons Dieu entrer et bousculer notre vie, c'est l'Esprit qui est à l'oeuvre pour nous recréer dans le Christ, pour nous faire renaître d'en-haut, quand bien même nous serions déjà vieux, comme Nicodème , Jn 3,4.7-8, et il n'est pas pire vieillissement que le péché, Rm 6,6. Car l'Esprit est communion, 2 Co 13,13. Il nous introduit dans la communion du Fils avec le Père, il bâtit l'unité du corps du Christ qui est l'Eglise, 1 Co 12,13 ; Ep 4,4 ; Col 1,18.

Le signe que notre lectio a vraiment rencontré le Christ dans l'Esprit est notre adhésion, notre participation renouvelée à la vie de l'Eglise. Autrement dit : ceux que Dieu a engendré par la Parole de vérité, Jc 1,18 ; 1 Pi 1,23-25, l'Esprit en fait des membres vivants du corps du Christ. La dimension trinitaire de la lectio se déploie et s'approfondit en communion ecclésiale. Dans cette optique, ceux et celles qui nous ont précédés sur ce chemin deviennent pour nous des témoins et des amis qui nous aident à y progresser à notre tour. C'est pourquoi, après la Bible, les écrits des Pères et des saints de tous les temps constituent un trésor inépuisable où chacun peut reconnaître sous des formes multiples et variées, l'unique Esprit de Dieu transfigurant l'homme à l'image du Fils bien-aimé, 2 Co 3,14-18, si du moins il y consent.

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