mardi 30 mars 2010

Dieu - silence, soeur Jeanine, Orante de l'Assomption

Le silence de Dieu traverse les jours saints et nous prépare à l’accueil de la Parole du Christ Ressuscité, comme la mort nous prépare à vivre de la plénitude de sa Vie.

Silence du Père ressenti par Jésus à Gethsémani et sur la Croix,
Silence de Jésus devant Pilate,
Silence du tombeau...

Dieu parle dans son silence. Le silence du vendredi vécu sous le mode de l’absence empêche pendant un temps d’entrevoir où il conduit, à la vie en plénitude. Marquerait-il une fin ? La présence devient absence et tout semble perdu. La révélation de la Vie du Fils pour nous conduire au Père s’achèverait-elle dans le silence du tombeau ? Rien ne semble subsister, si ce n’est le vide de la souffrance, de la séparation, vide d’une espérance inachevée... Mais nous croyons qu’il est vivant...

Le silence ne serait-il pas dans notre vie un passage nécessaire à notre ouverture à la manifestation de Dieu ? Rappelons-nous l’Homélie ancienne pour le grand et Saint Samedi que nous offre le livre des heures à la veille de Pâques.

- "Que se passe-t-il ? Aujourd’hui grand silence sur la terre - et ensuite solitude - parce que Dieu s’est endormi dans la chair. Il veut visiter ceux qui demeurent dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort. C’est vers l’homme captif que Dieu se dirige pour le délivrer. Il le relève en disant : "C’est moi qui, pour toi, te parle maintenant,- Eveille-toi - Relève-toi - Sois illuminé..."

Le silence va servir la parole qui sauve, qui relève et fait grandir. Le silence n’est rien par lui-même, sinon par le fruit qu’il porte, la parole qu’il engendre. Devant Dieu, la ténèbre n’est pas ténèbre, et le silence comme la Parole illumine le dialogue. Silence de Dieu et silence de l’homme. L’Ecriture nous en donne de nombreux exemples...

"Yahvé, ne sois pas muet, Seigneur ne sois pas loin", Ps 64,22.
Souvent perçu comme un éloignement voire un abandon, le silence de Dieu ne signifie pourtant pas forcément une interruption du dialogue. Il est le plus souvent le reflet de sa patience.

"Certains l’accusent de retard, mais il use de patience envers vous, voulant que personne ne périsse, mais que tous arrivent au repentir" 2 Pr 3,9.

Aux jours d’infidélité, il nous attend pour renouer le dialogue : "Va et dis-leur..."
A travers les prophètes, Dieu nous montre une autre forme de son amour patient et silencieux : pour ne pas effaroucher son peuple tiède ou pécheur, Dieu ne parle pas directement.

"Jésus se taisait" Mt 26,63 ; 27,12-14 "Brutalisé, il n’ouvre pas la bouche" Is 53,7. Devant l’injustice des hommes, le Christ est le serviteur fidèle, remettant sa cause entre les mains de Dieu.

Dans d’autres circonstances, parler est indispensable pour ne pas manquer à la confession de Dieu, Mt 26,64 . C’est dans cette perspective, "qu’une nuit, dans une vision, le Seigneur dit à Paul : "Sois sans crainte. Continue de parler, ne te tais pas, Ac 18,9. Dans les formes et les circonstances les plus diverses, la parole du disciple cherche à ’annoncer la Bonne Nouvelle de l’amour et du salut.

"Ecoute, Israël", Dt 6,4. Toute parole de Dieu est une invitation à l’écoute et contient en elle-même la profondeur et le sens du silence. "Marie retenait tous ces événements et les méditait dans son coeur", Luc 2,19-51. Avant d’être exprimée en paroles et en actes, la proclamation de l’Evangile s’enracine dans l’humble silence de l’adoration et de la méditation du coeur. Chemin d’accès au repos, le silence est aussi ouverture à la Révélation que le Seigneur a promis aux petits, Mt 11,25.

Le silence est une part essentielle du langage de Dieu. Sans silence, Dieu ne peut révéler tout son être, toute sa vérité. Sans silence, il serait impossible à l’homme de percevoir la révélation De Dieu. Aussi Dieu éduque l’homme au moyen de sa Parole et de son silence. Solitude et silence, communication et parole, expriment sa réalité la plus profonde. Nous ne pouvons que les accueillir ensemble, pour que surgisse le langage de la révélation de Dieu dans nos vies. Acceptons que la révélation de Dieu passe non seulement par notre écoute silencieuse, mais aussi par le silence de Dieu en son apparente absence. Dans la vie religieuse, le silence nous éduque à cela et nous permet de faire l’expérience de sa présence invisible. Dès le monachisme primitif, le silence favorise cette attitude du coeur qui a tout quitté pour centrer toutes ses énergies sur Jésus qui habite l’homme.
La méditation de la Parole et le charité avec les frères sont les buts recherchés dans le silence comme dans la parole. Plus tard, des notions de discipline puis de mortification ont parfois occulté le caractère essentiellement christologique et mystique du silence religieux.

Au-delà de ses évolutions historiques plus ou moins heureuses, le silence est à vivre d’abord comme une attitude fondamentale du Verbe incarné, et une manière de nous mettre à la suite du Christ.
Le silence de la nuit du Bethléem, Lc 2,1-14 se prolonge pendant toute la vie de Jésus.
Le silence de sa longue vie cachée à Nazareth est à la source du jaillissement de sa prédication. Et celle-ci se nourrit encore de la communion au Père vécue dans la solitude du désert et des nuits de prière. L’incompréhension de ses amis et de ses ennemis le conduit au silence extrême de sa passion et de sa mort dans lequel se concentre toute le mystère de Dieu. C’est dans le silence, la solitude et la nuit que se réalise le triomphe de la résurrection. Là encore, il n’y a pas de paroles mais le silence du pouvoir de Dieu sur le péché et la mort. Contemplons le silence intérieur de Jésus qui domine les esprits, les tempêtes, les agitations multiples... La totale union entre Jésus et son Père, la même vie divine du Verbe dans le Père et l’Esprit est essentiellement silence.

Rejoignons-nous dans la prière au Cénacle, et demandons les uns pour les autres ce beau feu invisible de leur communion silencieuse. Puisse-t-il nous apporter l’ondée spirituelle et la consolation du Paraclet.

Fraternellement, soeur Jeanine, Orante de l'Assomption

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