jeudi 28 juin 2012

Marthe et Marie ( 2 / 4 )


SAINT AUGUSTIN ET LA BIBLE, Anne-Marie La Bonnardière, Éd. Beauchesne, 1986, 411 – 425, Extraits


MARTHE OU L’ÉGLISE DU TEMPS PRÉSENT


Le ministère de Marthe est marqué du sceau de la nécessité. Elle s’adonne aux œuvres de miséricorde parce que la miséricorde est nécessaire à la misère. Marthe a reçu le Saint Lui-même dans sa maison. Et saint Augustin admire le don qui est fait à Marthe de pouvoir recevoir le Seigneur. Le souci d’Augustin est d’amener son peuple à considérer l’infinie miséricorde par laquelle le Seigneur Jésus a accepté d’avoir besoin des services de ses créatures. Ce n’est pas par indigence de nature, c’est par grâce envers nous. Et d’ailleurs, de qui Marthe tenait-elle ce qu’elle donnait au Maître, sinon du Maître Lui-même ?
Marthe, recevant le Seigneur dans sa chair mortelle, a réalisé ce qu’Abraham avait autrefois figuré en accueillant des anges. Saint Augustin rappelle ce verset de l’évangile de Matthieu : « Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait », Mt 25, 40, pour conclure que le ministère de Marthe durera jusqu’à la fin des temps.

 « Marthe s'affairait et dit: "Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur m'ait laissée seule à faire le service? Dis-lui donc de m'aider." Le Seigneur lui répondit: "Marthe, Marthe, tu t'inquiètes et t'agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. C'est bien Marie qui a choisi la meilleure part ; elle ne lui sera pas enlevée », Lc 10, 40-42.
Ainsi, malgré l’excellence du ministère de Marthe, il y a une part meilleure. La prédilection de Jésus pour Marie, son amour de préférence pour Jean, et l’attente passionnée de Rachel par Jacob en témoignent. Le Seigneur attache du prix à l’attention de Marie à ses Paroles, Jean se nomme lui-même le disciple que Jésus aimait, et c’est pour Rachel et non pour Lia que Jacob accepte de servir Laban pendant 14 ans. Cependant le zèle de Marthe est manifeste et le Seigneur l’a béni en acceptant d’en être bénéficiaire. Lia a donné un grand nombre d’enfants à Jacob. Pierre aimait le Christ plus que les autres. Mais le ministère de Marthe cessera, parce qu’un jour cesseront les multiples œuvres de miséricorde. Marie a choisi ce qui demeurera toujours.

Pierre représente l’Église dans le temps, dans les tribulations, dans les tentations. Et le Christ nous aime moins dans cet état, où il doit nous libérer du mal, que dans l’éternité où plus rien en nous ne lui déplaira. Et c’est pourquoi il aime Jean plus que Pierre. Jean représente la vie qui nous rendra heureux, et le Seigneur nous aime moins misérables que bienheureux. Quant à nous, sur terre, nous aimons davantage la miséricorde du Seigneur que la contemplation de la Vérité.
Marthe et Marie sont des figures, mais elles sont aussi des personnages historiques. Marthe, en s’affairant à de multiples choses, c’est l’Église du temps présent exercée en de multiples difficultés. Certains termes qui parlent de Marie concernent l’Église à venir, d’autres essaient de traduire une expérience qui appartient déjà au temps présent. Expérience exceptionnelle, faite par quelques uns qui, entre le régime de la foi obscure et celui de la claire vision, ont une connaissance de Dieu.  « À présent, nous voyons dans un miroir et de façon confuse, mais alors, ce sera face à face. À présent, ma connaissance est limitée, alors, je connaîtrai comme je suis connu », 1 Co 13, 12.

Le service des saints cessera un jour. Il n’a pas sa fin en lui-même, mais il est ordonné à la vision de Dieu. La tâche de Marthe est transitoire et le repos sera sa récompense. Multiples sont les œuvres de Marthe, mais ce sont ces multiples choses qui représentent la voie ordonnée à la recherche de l’Unique, le chemin qui conduit à la patrie, le labeur au repos. Quelles sont ces multiples choses, sinon les œuvres de miséricorde ?
Semblable à Jacob soutenu par le désir d’obtenir Rachel, c’est-à-dire la doctrine de la Sagesse, et d’accéder à la vision du Principe, tout vrai serviteur de Dieu, sorti du péché, accepte de prendre Lia pour épouse, c’est-à-dire de pratiquer d’abord les commandements de Dieu envers le prochain, et puis les béatitudes.
Dans son commentaire des béatitudes, saint Augustin insiste sur cette condition d’accès à la vision de Dieu qu’est la charité fraternelle :

« En aimant ton prochain, tu purifies ton œil pour voir Dieu », Tract. in Io. 17, 8.

« La vision de Dieu n’appartiendra qu’à ceux qui auront gardé entre eux la Paix », Sermo 23, 17 – 18.


Aucun commentaire: